Cette année, Crédal souffle ses quarante bougies. Créée pour mettre l’argent au service du bien commun, la coopérative financière est aujourd’hui active à de nombreux niveaux. C’est donc l’occasion de faire le bilan à travers une interview.
Chez Crédal, 100 % de l’argent investi est prêté à des projets d’économie locale, sociale et durable. Le capital de la coopérative est entièrement consacré à l’octroi de crédits et de microcrédits à des coopératives, des associations, des entrepreneurs durables et sociaux ainsi que des personnes plus vulnérables en Wallonie et à Bruxelles.
« Au fil du temps, nos champs d’action se sont élargis », confie Grégory Berthet, Directeur du développement commercial et coopératif. « Aujourd’hui, en résumé, Crédal vise à financer la lutte contre la pauvreté et la transition juste. Cette dernière implique bien sûr une décarbonation de notre économie, mais qui soit inclusive. Nous devons nous assurer que les personnes qui sont en difficulté ne soient pas laissées sur le bord du chemin »
Interpeller les banques sur l’usage de l’épargne
La naissance de Crédal est liée à ces questions. Au début des années 80, des citoyens et des organisations de la société civile interpellent les principales banques belges accusées de soutenir le régime de l’apartheid par leurs investissements en Afrique du Sud. Cette action provoque une réflexion sur l’usage de l’épargne par les banques.
Sans réponse à leurs questions, ces associations et ces citoyens décident alors de retirer des banques une partie de leur épargne pour les gérer ensemble. De ce mouvement naît le 27 avril 1984 le premier organisme de crédit alternatif en Belgique : la coopérative Crédal.
« Notre raison d’être est toujours d’actualité », explique Béatrice Goethals, gestionnaire des relations avec les investisseurs. « Aujourd’hui encore, il est difficile de savoir à quoi va servir l’argent déposé sur un compte d’épargne traditionnel. Oxfam France a récemment calculé que 1500 d’euros placés sur un compte dans une grande banque française génèrent 1 tonne de CO2. Chez nous, selon Fairfin, les grandes banques belges ont investi plus de 11 milliards d’euros dans les énergies fossiles depuis 2021. »
4000 coopérateurs actifs
40 ans plus tard, la mission de Crédal reste la même : donner aux investisseurs le pouvoir de décider et de contrôler l’utilisation de leur argent en finançant des projets locaux ayant une forte dimension sociale et durable.
En 2024, ce sont plus de 4000 coopérateurs qui adhèrent à cette mission en investissant à partir de 10 euros… jusqu’à 1 million d’euros. Autant les personnes physiques que les organisations peuvent devenir coopératrices. Au quotidien, Crédal emploie une cinquantaine de personnes et des dizaines de bénévoles sont actifs, notamment dans les comités de crédit, chargés de statuer sur l’octroi des prêts.
Des crédits durables et solidaires
Globalement, Crédal a accordé en 40 ans plus de 475 millions d’euros de crédits à des associations ou coopératives, à des personnes vulnérables et à de jeunes entrepreneurs en Wallonie et à Bruxelles.
« Actuellement, nous disposons en fait d’une offre pour trois groupes cibles », résume Grégory. « Premièrement, nous accordons des prêts aux associations et coopératives actives dans l’économie sociale. Cela peut concerner des montants relativement importants, garantis par une hypothèque dans le cas d’un achat immobilier, par exemple.
Deuxièmement, nous octroyons des microcrédits à des entrepreneurs et entrepreneuses ayant un accès difficile au crédit bancaire. Cela peut être une fromagerie artisanale ou un atelier de menuiserie qui travaille à base de matériaux de récupération.
Pour soutenir le développement de ces entreprises, nous avons aussi développé un pôle “accompagnement” : des formations, du coaching, des ateliers sont proposés. Nous offrons notamment un accompagnement spécifique dédié aux femmes entrepreneures. Une équipe se consacre à l’accompagnement des porteuses de projets à Bruxelles, avec une attention particulière pour les questions de genre ».
Enfin, depuis 2003, Crédal accorde des microcrédits pour l’achat de biens de première nécessité à des personnes précarisées, qui n’ont pas accès aux crédits bancaires traditionnels. « Nous finançons, par exemple, l’installation d’une nouvelle chaudière, des travaux de rénovation ou l’achat d’une voiture pour des personnes n’ayant pas nécessairement accès à un crédit bancaire. La question de la remise ou du maintien à l’emploi est cruciale, nous le voyons tous les jours. En 2023, nous avons été les premiers à lancer une offre spécifique pour un crédit à 0 % pour financer l’obtention du permis de conduire. Beaucoup de personnes en situation précaire ont en effet besoin du permis pour aller travailler ou trouver un emploi. Cela peut représenter un coût insurmontable pour certaines et certains. »
Le financement d’organisations ou de personnes ayant difficilement accès au crédit bancaire classique est intrinsèquement risqué, mais fait partie de la mission sociale de Crédal. Pour gérer le risque lié à certains crédits, un fonds de garantie pour les prêts a été créé et des procédures internes rigoureuses ont été mises en place.
Grâce à un cadre prudentiel très strict, Crédal a un taux de sinistralité net extrêmement bas. Les pertes sur les prêts sont couvertes par la marge financière de Crédal et n’ont donc pas d’impact sur les placements des coopérateurs et prêteurs. En 40 ans, aucun coopérateur ou prêteur n’a perdu un centime sur la valeur nominale de son placement. Le portefeuille de crédit total de Crédal s’élève à environ 63 millions d’euros.
L’octroi des crédits fait l’objet d’une analyse sur deux niveaux. « Un conseiller crédit prépare le dossier et effectue en réalité deux analyses. Tout d’abord, il examine si le crédit répond à nos critères d’impact social et environnemental. Ensuite, une analyse financière est réalisée. Finalement, c’est un comité de crédit indépendant, composé de bénévoles, qui approuve ou non le dossier. »
La finance solidaire au service des objectifs de développement durable
100 % des activités de Crédal contribuent aux objectifs de développement durable. La coopérative se concentre en priorité sur 6 objectifs : Pas de pauvreté, Égalité des sexes, Travail décent et croissance économique, Inégalités réduites, Villes et communautés durables et enfin Consommation et production responsables. Dans son dernier rapport d’activité, Crédal explique en quoi ses activités participent à la réalisation de ces objectifs.
À l’heure de fêter ses 40 bougies, Crédal ambitionne de répondre à la demande croissante de crédits pour des associations et des coopératives d’économie sociale, ainsi qu’à celle de financement de projets portés par des entrepreneurs de plus en plus jeunes… Pour cela, la coopérative augmente ses fonds coopératifs, qui ont dépassé les 50 millions d’euros courant 2023 et devraient atteindre 60 millions d’ici fin 2024.
Depuis le 1er juin 2023, une initiative de la Région de Bruxelles-Capitale permet aux investisseurs bruxellois (personnes physiques) de bénéficier d’un crédit d’impôt de 3,5 % par an, ce qui procure un rendement intéressant au-delà de l’impact sociétal.
Avec ces développements, Crédal se prépare à un avenir prometteur pour les 40 prochaines années…